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Déclaration préalable des meublés de tourisme et autorisation préalable de changement d’usage : où on est-on ?

Les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois (c. tourisme art. L. 324-1-1, I).

Cette formule de location, en progression constante (31 millions de nuits dans des logements loués par des particuliers via internet en 2017 ; Insee, Marlène Bahu, Insee Focus n° 133, novembre 2018), est désormais strictement encadrée.

Déclaration préalable du meublé de tourisme et sanctions prévues par la loi ELAN :

La loi pour une République numérique a prévu l’obligation de déclarer préalablement toute location de meublés de tourisme auprès du maire de la commune ou est situé le meublé (loi 2016-1321 du 7 octobre 2016, JO du 8, texte 1 ; c. tourisme art. L. 324-1-1, II).

Par exception, cette déclaration préalable n’est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur (occupée au moins 8 mois par an).

La déclaration peut être faite par tout moyen permettant d'en obtenir un accusé de réception ou encore par téléservice (par exemple, pour Paris depuis le 1er décembre 2017 : www.teleservices.paris.fr/meubles-tourisme).

La déclaration précise l'identité et l'adresse du déclarant, l'adresse du meublé de tourisme, son statut de résidence principale ou non, le nombre de pièces composant le meublé, le nombre de lits, la ou les périodes prévisionnelles de location et, le cas échéant, la date de la décision de classement et le niveau de classement des meublés de tourisme (c. tourisme, art. D 324-1-1).

Lorsque le meublé constitue la résidence principale du loueur, celui-ci ne peut le mettre en location au-delà de 120 jours au cours d’une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.

Lorsque le loueur est lui-même locataire du bien (sous-location de meublés de tourisme), il devra obtenir l’accord du propriétaire (CA Paris 5 juin 2018, n°16-10684).

Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d’un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration qui devra être reporté sur les annonces de location.

Faute de respecter les obligations liées à la déclaration préalable, la loi ELAN prévoit les sanctions suivantes (loi 2018-1021 du 23 novembre 2018, art. 145, JO du 24) :

-une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 € pour le contribuable qui ne déclare pas à la commune la location d’un meublé de tourisme ;

-une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 € pour le contribuable qui loue sa résidence principale comme meublé de tourisme plus de 120 jours au cours d’une même année civile.

Ces amendes sont prononcées par le président du Tribunal de grande instance, statuant en la forme des référés, sur demande de la commune dans laquelle est situé le meublé de tourisme.

Par ailleurs, des amendes civiles allant de 12 500 € par meublé de tourisme à 50 000 € par annonce sont prévues à la charge des intermédiaires (agents immobiliers, plateformes numériques type airbnb) qui auraient connaissance de tels manquements (c. tourisme art. L.324-2-1, III et IV).

Autorisation préalable du changement d’usage dans certaines communes : saisine de la CJUE

Le loueur de meublés de tourisme peut, en outre, suivant la nature de l’emplacement du local proposé à la location, être soumis aux dispositions du code de la construction et de l’habitation.

Ainsi, dans les communes de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis et Val-de-Marne, le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courte durée à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d'usage soumis à autorisation administrative préalable (c. constr. et hab. art. L. 631-7, al. 6).

À défaut d’autorisation préalable, le propriétaire s’expose à une amende de 50 000 € versée à la commune par local irrégulièrement transformé (c. constr. et hab. art. L. 651-2). Outre l’amende, le contrevenant risque également une astreinte (jusqu’à 1000 € par jour et par mètre carré utile) s’il ne redonne pas au local son usage initial d’habitation.

Dans une affaire, une société a été condamnée à une amende au profit de la Ville de Paris et astreinte au retour du local à un usage d’habitation pour avoir proposé, sur un site, la location d’un studio pour une courte durée à une clientèle de passage sans requérir, au préalable, l’autorisation de changement d’usage.

Dans son pourvoi en cassation, la société propriétaire du studio invoque le principe de primauté du droit de l’Union européenne qui interdit toute restriction à la libre prestation de service dès lors qu’elle n’est pas justifiée par une raison impérieuse d’intérêt général (Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur).

Selon le loueur, les critères posés pour l’autorisation préalable qui ne font pas référence à des seuils chiffrés mais fondés sur des notions de « répétition », de « courte durée » et de « clientèle de passage qui n’y élit pas domicile » ne seraient pas suffisamment clairs et précis au vu de l'article 10 de la Directive relatifs aux conditions d’octroi d’un régime d’autorisation.

Pour la Cour de cassation, les questions soulevées, dont dépend le pourvoi, justifient la saisine de la Cour de Justice de l’Union Européenne (cass. civ., 1re ch., 15 novembre 2018, n°17-26156). Il y a lieu en conséquence de surseoir à statuer sur le pourvoi jusqu’à ce que la CJUE se prononce.

À suivre...

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