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Donations et abus de droit

Les donations sont parfois utilisées dans une optique d’optimisation fiscale. Tombent-elles alors sous le coup de l’abus de droit ?

La recherche de la voie la moins coûteuse du point de vue fiscal n’est pas forcément synonyme d’abus de droit. Selon l’article L. 64 du Livre des procédures fiscales, l’abus de droit suppose le recours à des actes, soit fictifs (abus de droit par simulation), soit uniquement inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, auraient normalement supportées (abus de droit par fraude à la loi). Deux affaires récentes illustrent les différentes appréciations dont sont susceptibles de faire l’objet les donations.

Donations et évitement de d’impôt sur les plus-values sur valeurs mobilières

En l'espèce, des titres sont donnés en nue-propriété à plusieurs enfants puis cédés conjointement par les nus-propriétaires et l’usufruitier. Le prix de cession fait l’objet, pour partie, d’un réinvestissement dans l’acquisition de nouveaux titres eux-mêmes démembrés et, pour partie, d’un reversement au donateur en vertu d'une clause de quasi-usufruit figurant dans l’acte de donation.

Se prévalant de l’existence d’un abus de droit consistant en une dissimulation d’une cession de titres sous l’apparence d’une donation de ces derniers, l’administration estime pouvoir écarter l’acte de donation et soumettre en conséquence à l’impôt les plus-values constatées à l’occasion de la transmission des titres.

Selon elle, la clause de quasi-usufruit n’ayant pas été assortie d’une garantie sur la créance de restitution due par le donateur-usufruitier aux donataires, le premier ne pouvait être considéré comme s’étant irrévocablement dessaisi des titres donnés. De sorte que, l’« intention libérale », élément essentiel à toute donation, faisait défaut.

Saisi du litige, le Conseil d’État, confirmant l’arrêt de la Cour administrative d’appel, a jugé que l’abus de droit par simulation invoqué par l’administration n’était pas établi (CE 10 février 2017, n°387960).

Selon lui, alors même que la créance de restitution des nus-propriétaires n’avait pas été assortie d’une sûreté, le contribuable devait être regardé comme s’étant effectivement et irrévocablement dessaisi des biens ayant fait l’objet de la donation dans la mesure où le droit de disposer du prix était limité par l’obligation de restitution pesant sur lui en fin d’usufruit.

Il n’en serait autrement qu’en cas de réappropriation ultérieure des titres (ou du produit de la vente de ces derniers) par le donateur sans restitution.

Selon le Conseil d’État, les clauses restreignant les droits des donataires sur les titres transmis (clauses interdisant d’aliéner ces derniers durant la vie du donateur ou bien imposant d’en faire apport à une société familiale) ne retirent pas son caractère de donation à l’opération.

Dans son arrêt du 17 février 2017, la haute juridiction prend pour la première fois parti sur l’incidence des clauses de quasi-usufruit insérées dans les actes de donation de titres. Ces clauses ont pour effet d’autoriser le donateur à disposer seul des titres, à charge d’en restituer l’équivalent au terme de l’usufruit, c’est-à-dire à son décès.

Tout l’apport de la décision réside dans le refus du Conseil d’État à requalifier en cession une donation comportant une telle clause au motif qu’aucune garantie n’aurait été offerte aux nus-propriétaires quant au recouvrement de leur créance de restitution.

Donations et évitement des droits de mutation entre personnes non parentes

En l'espèce, des parts d’une SCI sont données par leur détenteur à son épouse qui, à son tour, en fait donation à ses 3 enfants nés d’un précédent mariage. L’administration invoque un abus de droit.

Selon elle, l’étape préalable de la donation effectuée au profit de l’épouse n’avait d’autre but que d’échapper au tarif de 60 % des droits de donation entre personnes non parentes qui aurait normalement été applicable en cas de donation directe aux beaux-enfants.

Saisi de cette affaire, le Comité de l’abus de droit fiscal a donné raison à l’administration (aff. 2017-31, séance du CADF du 1er février 2018).

Le Comité a, en effet, estimé que les 2 actes de donation concrétisaient « une seule et même intention libérale » du donateur à l’égard des enfants de son épouse, cette dernière ne tenant dans ces actes que le rôle de « personne interposée en y usurpant les qualités respectives de donataire et de donateur ».

Considérant donc que les actes en question étaient entachés de simulation, le Comité s’est fondé à cet égard sur les éléments suivants :

-la concomitance des 2 actes de donation ;

-la volonté des époux de transmettre l’ensemble des parts de la SCI à leurs enfants respectifs (l’enfant unique de l’époux et les 3 enfants de l’épouse) en faisant en sorte qu’ils en deviennent associés à parts égales.

En effet, l’époux avait simultanément transmis à son propre enfant unique des parts représentant un quart des parts de la SCI. Or, compte tenu de la répartition du capital de la SCI avant les donations en cause (détention égalitaire par les 2 époux), un tel projet n’aurait pu aboutir sans que cet époux ne transfère, directement ou indirectement, une partie de ses titres à ses beaux-enfants.

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