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Résiliation judiciaire

Résiliation judiciaire du contrat de travail : peu importe la date des faits que le salarié invoque

L'action en résiliation judiciaire du contrat de travail peut être introduite par le salarié tant que ce contrat n'a pas été rompu et quelle que soit la date des faits invoqués au soutien de sa demande. Le juge ne peut donc pas rejeter la demande au motif que les griefs invoqués par le salarié sont prescrits.

Rappel sur la résiliation judiciaire

Le salarié peut saisir le conseil de prud’hommes d’une demande en résiliation judiciaire lorsqu’il estime que l’employeur a commis un manquement rendant impossible la poursuite de son contrat de travail (cass. soc. 26 mars 2014, n° 12-21372, BC V n° 86).

Tant que la décision n’est pas rendue, le contrat de travail poursuit son cours (cass. soc. 24 avril 2013, n° 11-28629, BC V n° 113).

Si l’action aboutit, la résiliation judiciaire produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire nul dans certains cas.

Si elle est rejetée, le contrat de travail se poursuit.

Un long périple aboutissant à une invalidité de deuxième catégorie et à une demande en résiliation judiciaire

La salariée avait été engagée en qualité de conseiller clientèle en 1990. À compter du 23 juin 2000, le contrat de travail de la salariée a été suspendu (selon toutes probabilités, elle était en arrêt maladie).

Le 2 février 2009, elle a été placée en invalidité deuxième catégorie (assurés absolument incapables d’exercer une profession quelconque), puis en invalidité première catégorie à compter du 1er mai 2011 (capacité réduite mais permettant d’exercer une activité rémunérée) (c. séc. soc. art. L. 341-4).

Finalement, le tribunal du contentieux de l'incapacité a reconnu par un jugement du 5 janvier 2012, son incapacité à exercer une profession et son classement en invalidité deuxième catégorie rétroactivement à compter du 1er mai 2011.

Manifestement, l’employeur n’avait pas pris de dispositions particulières (visite de reprise afin de vérifier l’inaptitude du salarié qui aurait éventuellement abouti sur un licenciement pour inaptitude), la situation était restée en l’état.

Le 26 mars 2015, la salariée a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur fondée sur l'absence d'organisation par celui-ci de la visite de reprise devant le médecin du travail lorsqu’il avait été informé de son classement en invalidité deuxième catégorie.

Pour la cour d’appel, la demande de résiliation judiciaire était prescrite

La salariée avait été déboutée par la cour d’appel, qui avait considéré que sa demande était prescrite, donc irrecevable.

Pour les juges, le point de départ du délai de prescription de l'action en résiliation judiciaire du contrat de travail était le 23 février 2009, date du courrier adressé à la salariée par l’employeur dans lequel il indiquait avoir connaissance de son classement en invalidité de catégorie deux.

C’est en effet à partir de cette date qu’il aurait dû organiser la visite de reprise.

La prescription de 5 ans avait donc pris fin le 23 février 2014, l'action engagée le 26 mars 2015 était tardive, donc prescrite.

À noter Rappelons que la prescription relative aux actions portant sur la rupture du contrat de travail est passée de 5 à 2 ans par l’effet de la loi de sécurisation de l’emploi (loi 2013-504 du 14 juin 2013, JO du 16), puis à 12 mois, durée aujourd’hui applicable, à la suite de l’une des ordonnances Macron du 22 septembre 2017 (ord. 2017-1387 du 22 septembre 2017, JO du 23).

Pour la Cour de cassation il n'y avait pas prescription

Mais la Cour de cassation ne l’entend pas de cette oreille et elle réaffirme fermement sa jurisprudence.

Elle rappelle que le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord (c. trav. art. L. 1231-1).

Selon ce texte, le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison des manquements de son employeur à ses obligations, suffisamment graves pour rendre impossible la poursuite du contrat de travail.

Elle rappelle que lorsqu’il est saisi de la demande le juge doit examiner l'ensemble des griefs invoqués au soutien de celle-ci, quelle que soit leur ancienneté (cass. soc. 30 juin 2021, n° 19-18533 FSB).

Les juges auraient donc dû examiner les griefs invoqués par le salarié, ils ne pouvaient pas les rejeter, quelle que soit leur ancienneté, même s’ils étaient prescrits.

L’arrêt de la cour d’appel et donc cassé et renvoyée devant la même cour autrement composée afin qu’elle examine les griefs invoqués par la salariée.

Cass. soc. 27 septembre 2023, n° 21-25973 FSB