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Projet de loi Plein emploi : le point sur les nouveautés après l’examen à l’Assemblée nationale

Les députés ont achevé, le 4 octobre 2023, la lecture du projet de loi pour le plein emploi. Ils ont apporté plusieurs modifications au texte par rapport à la version votée au Sénat l’été dernier. Nous commentons ci-après les principales nouveautés issues de l’examen à l’Assemblée nationale.

Où en est le projet de loi ?

Le projet de loi sur le Plein emploi a été adopté par le Sénat en première lecture le 11 juillet 2023 (voir notre actu du 27/07/ juillet 2023, « Projet de loi Plein emploi : le point après l'adoption en 1re lecture par le Sénat »).

Le vote solennel du texte par l’Assemblée nationale aura lieu le 10 octobre prochain.

Après ces deux lectures par chacune des chambres, une commission mixte paritaire (CMP), composée de députés et de sénateurs, sera réunie afin de tenter d’élaborer un texte commun.

Si la CMP est conclusive, le texte commun sera voté par chacune des deux chambres.

En cas d’échec de la CMP, le projet de loi sera à nouveau examiné par le Sénat puis l’Assemblée, le dernier mot revenant à l’Assemblée nationale.

Pôle Emploi serait bien renommé opérateur France Travail

Pour rappel, le projet de loi pose les bases d’un nouveau système de coordination des acteurs de l’insertion, de l’emploi et de la formation professionnelle. Le texte initial présenté par le gouvernement prévoit à cet effet la création du « réseau France Travail », qui verrait le jour le 1er janvier 2024, dans lequel Pôle Emploi serait rebaptisé « opérateur France Travail » (projet de loi, art. 4, 5, et 6).

Les sénateurs avaient modifié le texte notamment pour conserver le nom de Pôle Emploi, mais les députés sont revenus sur ce changement et ont repris le nom d'« opérateur France Travail ».

Au passage, ils ont renommé le « réseau France Travail » en « réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi », tout en l'élargissant à de nouveaux acteurs, comme les établissements et services d'aide par le travail (ESAT).

Des précisions sur le contrat d’engagement signé par le demandeur d’emploi

Objet du contrat d’engagement. - Pour rappel, le projet de loi institue un nouveau parcours d’accompagnement des demandeurs d’emploi, à préciser par décret, et qui entrerait en vigueur au plus tard le 1er janvier 2025.

Dans ce cadre, le demandeur d’emploi signerait un contrat d’engagement réciproque qui fixerait les engagements de l’organisme référent (actions en matière d’accompagnement et de formation, aide à la mobilité) et ceux du demandeur d’emploi (assiduité et participation active).

Le contrat d’engagement réciproque contiendrait également un plan d’action, précisant les objectifs d’insertion sociale et professionnelle et, le cas échéant, le « niveau d’intensité » de l’accompagnement requis. Autrement dit, il s’agirait d’un volume d’activité requis du demandeur d’emploi, qui avait été quantifié par les sénateurs et sur lequel les députés ont apporté quelques aménagements.

Volume d’activité requis du demandeur d’emploi. – Les sénateurs avaient inscrit dans le projet de loi un volume d’activité de 15 heures minimum par semaine, comportant notamment des actions de formation, d’accompagnement et d’appui.

Les députés ont repris cette durée de 15 heures par semaine, mais sans en faire un minimum : il s’agirait donc de 15 heures par semaine. Ils ont ajouté que cette durée pourrait être réduite, sans toutefois devenir nulle, « pour des raisons liées à la situation individuelle de l’intéressé » (projet de loi, art. 2, I, 1°).

En outre, les députés ont prévu de dispenser certaines personnes de cette obligation d’activité, mais « à leur demande » (pas de dispense automatique). Il s’agitait des « personnes rencontrant des difficultés particulières et avérées, en raison de leur état de santé, de leur handicap, de leur invalidité ou de leur situation de parent isolé sans solution de garde pour un enfant de moins de 12 ans ».

Contrôle et sanction en cas de manquement au contrat d’engagement. – Les députés ont adopté un amendement visant à accroître l’effectivité et l’efficacité du système de contrôle des obligations des demandeurs d’emploi (projet de loi, art. 2, I, 2°).

Les éléments recherchés dans le cadre du contrôle de la recherche d’emploi seraient ainsi précisés dans la loi. Les manquements pouvant être sanctionnés concerneraient les obligations énoncées dans le contrat d’engagement relatives à l’assiduité et à l’obligation de réaliser des actes positifs et répétés en vue de trouver un emploi, parmi lesquels figurent notamment les candidatures à des offres d’emploi, en vue de créer, de reprendre ou de développer une entreprise ou de réaliser des actions concourant à l’insertion sociale et professionnelle.

D’autres manquements seraient sanctionnés comme le refus à deux reprises, sans motif légitime, d’une offre raisonnable d’emploi ou le refus, sans motif légitime, d’élaborer ou d’actualiser le contrat d’engagement.

Les sanctions consisteraient selon les cas en une suspension ou une suppression des allocations chômage ou du RSA, avec possibilité d’être radié de la liste des demandeurs d’emploi.

Du nouveau pour le passeport d’orientation, de formation et de compétences

Pour rappel, tout titulaire d’un compte personne de formation (CPF) peut disposer d'un passeport d'orientation, de formation et de compétences, qui recense les formations et les qualifications suivies dans le cadre de la formation initiale ou continue ainsi que les acquis de l'expérience professionnelle (c. trav. art. L. 6323-8).

Les députés ont adopté un amendement visant à étendre le champ des données pouvant constituer et alimenter le passeport (projet de loi, art. 7 bis). Le passeport contiendrait ainsi :

-les formations et les qualifications suivies dans le cadre de la formation initiale ou de la formation continue, les diplômes, les distinctions, les certificats, les qualifications, les titres, les agréments, les cartes professionnelles, les autorisations d’exercer une profession et les certifications obtenus, les permis de conduire ;

-les activités bénévoles ou de volontariat recensées dans le compte d'engagement citoyen ;

-le parcours professionnel et les acquis de l’expérience professionnelle.

À cet effet, le Répertoire de Gestion des Carrières Unique (RGCU) fournirait pour le passeport des informations et des données à caractère personnel nécessaires au recensement des parcours professionnels et des acquis de l’expérience professionnelle.

Par ailleurs, les députés ont prévu que des données du passeport pourraient être transmises automatiquement, sans action de l’usager, à certains acteurs du réseau des acteurs de l’insertion et de l’emploi, pour les besoins de leurs missions d’orientation, d’accompagnement, de formation et d’insertion (il pourrait s’agir de l’opérateur France Travail et des conseillers en évolution professionnelle).

Enfin, notons que, à la lecture stricte de la loi, il semblerait que le passeport devienne automatiquement ouvert à tout titulaire d’un CPF.

Suppression du délai de carence dans le cadre de l’intérim d’insertion ou adapté

Afin de favoriser la continuité des parcours professionnels des intérimaires employés par les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI) et par les entreprises adaptées de travail temporaire (EATT), les députés ont adopté un amendement (projet de loi, art. 8, I, 1° AA et 5°) visant à lever le délai de carence :

-entre deux contrats de mission conclus avec le même salarié durant son parcours d’insertion ou d’accompagnement ;

-en cas d’embauche par l’entreprise utilisatrice en CDD d’au moins 2 mois, à l’issue du contrat de mission.

Cette mesure constituerait donc une dérogation au droit commun du recours à l’intérim, qui impose un délai de carence en cas de succession de contrats d’intérim ou d’un contrat d’intérim et d’un CDD (c. trav. art. L. 1251-36).

Cas de recours à l’intérim spécifique « ETTI »

Indépendamment des cas de recours de droit commun (remplacement d’un salarié absent, etc.), le code du travail prévoit des cas spécifiques de recours à l’intérim par les entreprises, par exemple pour favoriser le recrutement de personnes sans emploi rencontrant des difficultés sociales et professionnelles particulières ou pour assurer un complément de formation professionnelle au salarié (c. trav. art. L. 1251-7).

Les sénateurs ont intégré dans ces cas spécifiques le recours à un salarié bénéficiaire de l'obligation d'emploi de travailleurs handicapés, afin de pérenniser une expérimentation issue de la loi Avenir professionnel et qui doit prendre fin le 31 décembre 2023.

Les députés ont à leur tour ajouté un nouveau cas de recours spécifique, dédié aux entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI), permettant aux entreprises utilisatrices de recourir aux salariés intérimaires des ETTI sans autre motif dès lors que c’est pour une mission d’au moins 1 mois (projet de loi, art. 8 bis).

Inclusivité des offres d’emploi pour les personnes handicapées

Les députés ont ajouté au projet de loi une mesure visant à favoriser la transparence et l’inclusivité des offres d’emploi sur les questions liées au handicap (projet de loi, art. 2 bis).

Ainsi, les employeurs pourraient inclure dans leurs offres d’emploi « des éléments décrivant l’environnement de travail de l’entreprise et du poste ainsi que les possibilités d’organisation du poste afin de permettre aux demandeurs d’emploi en situation de handicap de se positionner dans des conditions adéquates à leur situation ».

Suppression de la modulation de la contribution AGEFIPH instaurée par les sénateurs

Les sénateurs avaient adopté un amendement visant à prendre en compte, pour le montant de la contribution AGEFIPH, l’effort consenti par l’entreprise en matière de maintien dans l’emploi ou du recrutement direct de personnes bénéficiaires de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH), en particulier ceux pour lesquels la lourdeur du handicap a été reconnue (projet de loi, art. 8).

Il s’agissait en quelque sorte de « récompenser » les entreprises employant des salariés bénéficiant d’une décision de reconnaissance de la lourdeur du handicap (RLH).

Cette mesure a été supprimée par les députés (projet de loi, art. 8, I, 1° A supprimé), au motif qu’il existe déjà une aide financière à laquelle les entreprises peuvent prétendre au titre de la reconnaissance de la lourdeur du handicap, qui est « l’aide à l’emploi des travailleurs handicapés » (AETH).

Ainsi, selon les députés, la mesure introduite par les sénateurs « reviendrait à favoriser les employeurs qui ne respectent pas l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés aux dépens des employeurs qui s’acquittent de leur obligation légale (et qui ne pourraient bénéficier que de l’aide existante, pas du dispositif proposé [par les sénateurs]) ».

Les députés ont adopté un amendement qui substitue au dispositif introduit par le Sénat un dispositif qui confère une base légale à l’AETH (projet de loi, art. 8, I, 1° C nouveau).

Extension de l'équivalence de RQTH aux jeunes de 15 ans

Certains jeunes en situation de handicap sont automatiquement reconnus comme travailleurs handicapés car bénéficiaires de la prestation de compensation du handicap enfant, d’une allocation d’éducation de l’enfant handicapé ou d’un projet personnalisé de scolarisation.

Le droit actuel fixe une borne d’âge de 16 à 18 ans. Le Sénat avait étendu la limite haute de cette borne d’âge pour inclure les jeunes jusqu’à 20 ans, afin de favoriser la transition avec les droits « adulte ».

L’Assemblée nationale a modifié la limite basse de la borne d’âge en la fixant à 15 ans, permettant ainsi d’inclure les jeunes en contrat d’apprentissage (projet de loi, art. 8, I, 2° modifié).

Ainsi, compte tenu de ces modifications, la nouvelle borne d’âge applicable deviendrait « 15-20 ans ».

Mesures concernant les ESAT

Les députés ont adopté un amendement visant à renommer les ESAT. Ils ne s’appelleraient plus « établissements et services d'aide par le travail », mais « établissements et services d’accompagnement par le travail » (projet de loi, art. 9 bis A).

En conséquence, le « contrat de soutien et d’aide par le travail » conclu entre l’ESAT et le travailleur deviendrait un « contrat d’accompagnement par le travail ».

Rappelons également que le projet de loi prévoit d'améliorer les droits des travailleurs des ESAT pour les faire évoluer vers ceux dont bénéficient les salariés, avec la reconnaissance notamment du droit de grève, du droit d'adhérer à un syndicat, du droit de retrait en cas de danger grave et imminent, du droit à une représentation spécifique des travailleurs, de la prise en charge par l’employeur des frais de transport domicile-lieu de travail, du droit aux titres-restaurants, aux chèques-vacances et à la couverture complémentaire santé minimale obligatoire prévue par le code de la sécurité sociale.

Enfin, les députés ont étendu aux opérateurs du service public de l’emploi la couverture AT-MP des bénéficiaires d’une mise en situation professionnelle en établissement et service d’aide par le travail (MISPE) (projet de loi, art. 9 bis B).

Projet de loi pour le plein emploi, texte résultant des délibérations de l’Assemblée nationale à l’issue de la première séance du 4 octobre 2023 ; https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/montage/seance/l16b1673_montage-seance.pdf