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Licenciement

Pas de licenciement pour faute pour des infractions routières commises avec le véhicule de fonction sur le temps de trajet

Un employeur ne peut pas licencier pour faute un salarié qui a commis plusieurs infractions au code de la route en dehors de son temps de travail, quand bien même ces infractions ont été perpétrées avec un véhicule de fonction, sur le chemin du travail.

Un salarié est licencié pour faute après avoir commis des infractions routières avec son véhicule de fonction pendant un trajet vers le lieu de travail

Alors qu'il se rendait à son travail dans son véhicule de fonction, un salarié, mécanicien dans une entreprise spécialisée dans les infrastructures ferroviaires, a commis quatre infractions au code de la route. L'arrêt ne précise pas la nature de ces infractions.

Puisqu'il s'agissait d'un véhicule de fonction, l'employeur en est informé. Il décide alors de licencier le salarié en raison de ces infractions sur un fondement disciplinaire (sans que l'on sache si l'employeur a opté pour la faute grave ou la faute « simple »).

Le salarié a alors contesté la rupture, en soutenant que l'employeur ne pouvait pas prononcer un licenciement disciplinaire sur la base de faits tirés de la vie personnelle, dans la mesure où ces faits ne se rattachaient pas à sa vie professionnelle.

La cour d'appel a adopté le raisonnement du salarié et condamné l'entreprise au versement de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Un fait tiré de la vie personnelle ne peut pas justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il se rattache à la vie professionnelle

Pour rappel, seules deux hypothèses permettent à un employeur de licencier un salarié en raison de faits relevant de sa vie personnelle :

-si ces faits se rattachent à sa vie professionnelle, car ils constituent un manquement du salarié aux obligations découlant de son contrat de travail. L'employeur peut alors se placer sur le terrain disciplinaire et prononcer un licenciement pour faute (cass. soc. 8 octobre 2014, n° 13-16793, BC V n° 227) ;

-si ces faits causent un trouble objectif caractérisé au sein de l'entreprise. Faute de lien avec l'activité professionnelle du salarié, le licenciement ne peut alors être que non disciplinaire (licenciement « pour motif personnel ») (cass. soc. 30 novembre 2005 n° 04-41206, BC V n° 343).

Dans cette affaire, toute la question était de déterminer si les infractions routières commises par le salarié sur son temps de trajet avec le véhicule de fonction, faits tirés de la vie personnelle, pouvaient se rattacher à la sphère professionnelle comme le soutenait l’employeur.

Les infractions routières commises avec le véhicule de fonction pendant le temps de trajet ne constituent pas un manquement aux obligations du contrat de travail

Pour l'employeur, à partir du moment où le salarié conduisait un véhicule de fonction et se rendait à son travail, nous étions déjà dans la sphère professionnelle.

La Cour de cassation n'arrive cependant pas à la même conclusion et confirme le défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement.

D'une part, pendant le temps de trajet, le salarié n'est pas à la disposition de l'employeur.

D'autre part, l'outil de travail mis à la disposition du salarié n'avait subi aucun dommage. En d'autres termes, le véhicule de fonction n'avait pas été accidenté.

Enfin, le comportement du salarié n'avait pas eu d'incidence sur les obligations découlant de son contrat de travail en tant que mécanicien.

La Cour de cassation en a conclu que « les infractions au code de la route ne pouvaient être regardées comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat, ni comme se rattachant à sa vie professionnelle ».

L'employeur ne pouvait dès lors pas prononcer un licenciement disciplinaire, de sorte que la rupture était sans cause réelle et sérieuse.

L'employeur aurait-il eu plus de succès en prononçant un licenciement fondé sur le trouble objectif causé à l'entreprise ? On peut en douter, car, à la lecture des faits, les infractions n'avaient apparemment eu aucune incidence concrète sur l'entreprise... Il en aurait été autrement si le salarié s'était vu retirer son permis à la suite de ces infractions car il n’aurait plus été en mesure d’accomplir sa prestation de travail, mais ce n'était apparemment pas le cas (cass. soc. 24 janvier 2007, n° 05-41598 D ; cass. soc. 1er avril 2009, n° 08-42071 D).

Cass. soc. 4 octobre 2023, n° 21-25421 FB