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Fiscal,Patrimoine

Démembrement de propriété

Donation-cession abusive pour tardiveté de la convention de quasi-usufruit

La convention de quasi-usufruit portant sur le prix de cession des biens donnés conclue 2 ans après la cession de ceux-ci et en contradiction avec la clause de remploi insérée dans l’acte de la donation est inopposable à l’administration fiscale, même si le prix de cession n'a pas été consommé.

Inopposabilité à l’administration fiscale de la donation assortie d'une convention de quasi-usufruit portant sur le prix de cession des biens donnés conclue tardivement :

La donation de titres de société, soit en pleine propriété, soit avec réserve d’usufruit, préalablement à leur cession permet de purger en tout ou partie (sur la nue-propriété donnée seulement en cas de démembrement), la plus-value latente sur les titres donnés et de minimiser l’impôt en cas de cession puisque le prix de cession correspondra à la valeur des titres au jour de la donation. Seuls les droits de donation sont alors dus.

Pour remettre en cause l’opération sur le terrain de l’abus de droit fiscal (LPF, art. L. 64), l’administration doit prouver la fictivité de l’opération, soit que la donation est intervenue après la cession, soit que le donateur s’est réapproprié le prix de cession des titres donnés (CE 30 décembre 2011, n° 330940).

Dans l’affaire soumise au comité de l’abus de droit fiscal (CADF), un père a fait donation à sa fille mineure de la nue-propriété de 454 parts de SCI le 6 mars 2019, lesquelles ont été cédées le 31 juillet 2019, dégageant une plus-value de 429 766 € tenant compte du prix d’acquisition purgeant une partie de la plus-value relative à la nue-propriété donnée.

L’administration fiscale a estimé que la donation du 6 mars 2019 était fictive en l’absence d’intention libérale du donateur et avait permis à ce dernier de minorer la plus-value de cession de ses parts.

Le CADF a confirmé la fictivité de la donation aux motifs que, par dérogation à l’article 621 du code civil qui prévoit la répartition du prix de cession entre le nu-propriétaire et l’usufruitier, l’acte de donation du 6 mars 2019 prévoyait le remploi du prix de cession dans l’acquisition d’un nouveau bien démembré. Or, par convention conclue le 15 juin 2021, soit plus de 2 ans après la cession, il avait été prévu un quasi-usufruit portant sur le prix de cession, lequel avait été versé sur un livret B ouvert au nom du donateur.

Le comité en a déduit que, contrairement à la volonté affichée dans l’acte de donation, le donateur n’avait pas eu l’intention de mettre sa fille donataire en possession de la nue-propriété des titres mais seulement de constituer une simple créance de restitution.

Il en résulte que les opérations réalisées révèlent une donation qui ne se traduit pas par un dépouillement actuel et irrévocable de la part du donateur et qu’elle revêt dès lors un caractère fictif sans qu’ait d’incidence à cet égard le fait que le donateur n’a pas consommé le prix de cession des parts sociales données en nue-propriété à sa fille.

Conséquences sur l’imposition de la plus-value de cession :

La donation considérée comme fictive est inopposable à l’administration fiscale.

Par suite, l’administration a procédé à un redressement sur l’impôt de plus-value éludé calculé par différence entre le prix de cession par le donateur et son prix d’acquisition originel (sans tenir compte de la valeur donation), soit sur un montant de 842 533,20 €. Par ailleurs, le donateur devant être regardé comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs de l’abus de droit et, en outre, le principal bénéficiaire, encourt la majoration de 80 % (CGI art. 1729, b).

Le CADF rappelle ainsi que, pour être valable, la convention de quasi-usufruit doit être prévue dans l’acte de donation ou au plus tard au moment de la cession mais pas après.

Pour aller plus loin :

« Transmission d'entreprise », RF 2022-5, § 3913

« Donations et successions », RF 2023-6, § 4603

CADF, aff. 2-2023, séance du 6 octobre 2023

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