Vie des affaires
Paiement
Escroquerie par « fraude au président » : quelle responsabilité pour la banque ?
Les escroqueries bancaires recourant à l’usurpation de l’identité d’un dirigeant sont de plus en plus fréquentes, notamment pendant les périodes de congé. Par deux décisions, la Cour de cassation précise les limites du devoir de vigilance des banques en pareil cas.
Deux sociétés victimes de « fraude au président » agissent contre leurs banques
Des arnaques aux lourdes conséquences financières. - Dans deux affaires soumises à la cour de cassation, une même méthode employée par les escrocs : la « fraude au président ». Cette arnaque, bien connue des banques, consiste pour le fraudeur à se faire passer pour le dirigeant d'une entreprise pour demander à un de ses salariés, la réalisation d'un virement non planifié, généralement dans l'urgence.
Dans les deux cas, la responsabilité des banques est recherchée par les entreprises victimes de cette fraude.
Dans la première affaire, la comptable de la société, croyant recevoir les instructions de son dirigeant, émet 4 ordres de virement, pour un montant avoisinant 385 000 €, au profit d’une société étrangère.
Dans la seconde affaire, le salarié chargé de la gestion comptable de la société et disposant d’un mandat bancaire émet, sur la base de faux courriels du dirigeant, 11 ordres de virement pour un montant approchant 1,3 M d’€, somme qu’il pense destinée au financement d’une opération confidentielle d’acquisition à l’étranger.
Des défaillances reprochées aux banques. - Dans ces deux affaires, les sociétés victimes agissent en dommages et intérêts contre leurs banques respectives, leur reprochant différents manquements à leur devoir de vigilance :
-dans la première affaire, la société estime que sa banque aurait dû détecter une anomalie en présence de virements réalisés vers l’étranger pour un montant dix fois plus élevé que ceux qu’elle effectue habituellement ;
-dans la seconde affaire, la société invoque une défaillance de sa banque qui ne s’est pas assurée, auprès de son dirigeant ou de son directeur financier, qu’elle était bien à l’origine d’ordres de virement présentant des anomalies.
Les banques mises hors de cause dans ces deux cas de fraude
Pas de défaut de vigilance face à des virements inhabituellement élevés vers l’étranger. – Dans la première affaire, la cour d’appel comme la cour de cassation, écartent un manquement de la banque à son devoir de vigilance car les opérations ne présentaient pas d’anomalies apparentes pour les raisons suivantes : le montant des virements litigieux était en dessous des plafonds quotidiens convenus, ils restaient couverts par le solde créditeur et avaient été réalisés vers un pays de l’Union européenne qui n’attirait pas spécialement l’attention en termes de sécurité.
Pas de manquement en cas de vérification auprès d'une personne autre que le dirigeant. - Dans la seconde affaire, en revanche, la cour d’appel avait reconnu que les virements étaient affectés d’anomalies apparentes qui ne pouvaient qu’attirer l’attention de la banque.
Toutefois, dans cette affaire, et contrairement à la position de la cour d’appel, la Cour de cassation a considéré que la banque n’a pas manqué à son devoir de vigilance en se contentant de vérifier que la société était bien à l’origine de ces opérations, uniquement auprès de la personne habilitée à émettre des ordres de paiement, donc, sans s'en assurer auprès de son dirigeant ou de son directeur financier.
Pour aller plus loin :
« Faire échec aux impayés », RF 2025-1, §§ 534 et 535
Cass. com. 12 juin 2025, n° 24-13697 et n° 24-10168