Social
Surveillance des salariés
Si l'employeur respecte le RGPD, la preuve issue de la vidéosurveillance est valable
Un arrêt de la Cour de cassation du 21 mai 2025 permet de rappeler qu'un dispositif de surveillance doit notamment être conforme au RGPD. Si c'est bien le cas, la preuve qui en est issue est valable. Dans cette affaire, l'employeur a pu prouver qu'un opérateur de sûreté au sein d’un aéroport n'avait pas contrôlé le bagage cabine de deux passagers en violation des procédures en vigueur. Et justifier ainsi son licenciement pour faute grave.
Un contrôleur de bagage au sein d’un aéroport est licencié pour faute grave pour défaut de contrôle de bagages cabine sur la base de la vidéosurveillance
L’affaire jugée le 21 mai 2025 concernait un opérateur de sûreté, au sein d’un aéroport international, qui était chargé du contrôle des bagages lors du passage au rayon X.
Grâce au système de vidéosurveillance installé dans l’aéroport, le constat a pu être fait qu'il n’avait pas contrôlé le bagage cabine de deux passagers en violation des procédures en vigueur.
L’employeur l’a alors licencié pour faute grave.
Le salarié a saisi les juges pour contester son licenciement en arguant notamment :
-de l'illicéité de l’utilisation ainsi faite du dispositif de vidéosurveillance au regard du RGPD,
-et donc de l'illicéité de la preuve de sa faute qui en était issue.
N’obtenant pas gain de cause devant la cour d’appel, il a porté l’affaire devant la Cour de cassation.
Le RGPD devait effectivement être respecté
Le RGPD devait bien être respecté. La Cour de cassation indique en effet que l'utilisation de constats et attestations réalisés à partir de la captation et du visionnage des images issues du système de vidéoprotection de l'aéroport constitue un traitement de données à caractère personnel au sens du RGPD (règlt UE 2016/679 du 27 avril 2016, dit RGPD, art. 4).
Dès lors, l’employeur devait se conformer au RGPD (et plus précisément aux obligations des articles 5, 6, 13 et 14 du RGPD). Or, comme on va le voir, il était bien en conformité, contrairement à ce que le salarié avait essayé de soutenir.
Pour rappel, un « traitement » est une opération ou un ensemble d'opérations effectuées ou non à l'aide de procédés automatisés et appliquées à des données ou des ensembles de données à caractère personnel, telles que la collecte, l'enregistrement, l'extraction, la consultation, l'utilisation, la communication par transmission, etc.
Les salariés avaient été informés de la vidéosurveillance et de leurs droits
La vidéosurveillance avait été installée dans l'aéroport dans les règles : elle avait fait l'objet de déclarations à la CNIL, à l’époque où cela était encore obligatoire. Le dispositif avait été autorisé par arrêté préfectoral, comme cela est requis pour un système équipant un lieu ouvert au public.
De plus, l'information, notamment des salariés, était assurée par un affichage sous forme de pictogramme représentant une caméra et indiquant :
-l’existence de la vidéoprotection,
-le droit d'accès aux enregistrements,
-la personne responsable à laquelle il convenait de s'adresser avec indication de ses coordonnées téléphoniques.
Enfin, les représentants du personnel avaient été informés du dispositif, comme il se doit (c. trav. art. L. 2312-38).
Conformément à ce qu'exige le RGPD, le salarié avait donc bien été informé :
-de l’existence du dispositif de vidéosurveillance ;
-de sa finalité, à savoir assurer la sécurité des personnes et des biens dans l'enceinte de l’aéroport, et non pas contrôler l’activité des salariés ;
-et de son droit d'accès aux enregistrements le concernant.
En effet, le RGPD impose notamment que :
-les données à caractère personnel soient traitées de manière transparente au regard de la personne concernée (art. 5), ici le salarié ;
-celle-ci soit informée de la finalité du traitement mis en œuvre et de son droit d’accès à ses données personnelles (art. 13 et14).
L’accès aux images issues de la vidéosurveillance et leur durée d’archivage étaient limités
Le système mis en œuvre dans l’aéroport garantissait qu'un nombre limité de personnes fussent autorisées à visionner les images et une durée de conservation des enregistrements limitée à 5 jours.
Ici aussi, cela répondait aux exigences du RGPD, qui prescrit notamment de veiller à la confidentialité des données personnelles et de limiter leur durée de conservation à ce qui est nécessaire (art. 5).
La preuve issue de la vidéosurveillance était licite et la faute grave caractérisée
Au vu de tous ces éléments, la Cour de cassation valide l’arrêt de la cour d’appel. La preuve tirée de l’exploitation des images captées et enregistrées le jour où le salarié n’avait pas contrôlé le bagage cabine de passagers était bel et bien valable.
En effet, les données personnelles du salarié avaient été collectées pour des finalités déterminées et légitimes (ici, assurer la sécurité des personnes et des biens dans l'enceinte d'un aéroport international) et avaient ensuite été traitées d'une manière compatible avec ces finalités.
Comme on l’a vu, le salarié avait bien été informé de cette finalité et de son droit d'accès aux enregistrements le concernant.
Pour finir, soulignons que la faute grave était caractérisée. En effet, le filtrage systématique des usagers et de leurs effets dans le respect scrupuleux des procédures applicables faisait partie des missions contractuelles essentielles du salarié qui concourraient à garantir la sécurité du personnel, des passagers et des installations. Le manquement du salarié à ses obligations contractuelles rendait donc impossible son maintien dans l'entreprise, peu important qu'il n’ait pas eu d'antécédent disciplinaire.
Cass. soc. 21 mai 2025, n° 22-19925 FSB