Newsletter

Vie des affaires,Social

Sociétés/Concurrence déloyale

Avec ou sans clause de non-concurrence, l'ancien salarié doit rester loyal

Même en l'absence d'une clause de non-concurrence, un salarié peut être condamné pour avoir commis des actes de concurrence déloyale envers son ancien employeur. Par ailleurs, du seul fait de la connaissance d'une clause de non-concurrence, la responsabilité du nouvel employeur peut être engagée pour l'embauche d'un salarié lié par une telle clause. Tels sont les deux rappels de la Cour de cassation dans une affaire qui lui était récemment soumise.

Absence de clause de non-concurrence : condamnation de l'ancien salarié déloyal

La cour d'appel exclut la culpabilité du salarié

Un salarié quitte son entreprise et crée par la suite une SARL du même secteur d'activité dont il devient le gérant.

Son ancien employeur reproche à ce salarié d'utiliser dans la SARL des données techniques et confidentielles lui appartenant. Il l'assigne donc ainsi que la SARL en paiement de dommages et intérêts pour actes de concurrence déloyale.

Sa demande est rejetée en appel. Les juges retiennent que le salarié n'est soumis à aucune clause restrictive à la suite de la rupture de son contrat de travail. Il est en conséquence libre d'exercer une activité concurrente.

La Cour de cassation censure et condamne l'ancien salarié

La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel : la conservation et l'appropriation d'informations confidentielles appartenant à une société par son ancien salarié constitue un acte de concurrence déloyale, peu important que cet ancien salarié ne soit pas tenu par une clause de non-concurrence.

En pratique, l'absence d'une clause de non-concurrence n'empêche pas une société d'agir contre un ancien salarié, dirigeant ou associé pour actes de concurrence déloyale dès lors que les fautes reprochées sont avérées et lui causent un préjudice. Il en sera notamment le cas lorsque le salarié utilise des dossiers de son ancien employeur pour sa nouvelle activité ou lorsqu'il révèle à plusieurs clients les dissensions internes de son ancienne société (cass. com. 1er décembre 2021, n°19-26181).

Existence d'une clause de non-concurrence : condamnation du nouvel employeur averti

Le nouvel employeur relaxé en appel

Dans cette même affaire, l'ancien employeur a également assigné une SA pour avoir débauché l'un de ses salariés tenu par une clause de non-concurrence.

Là encore, il n'a pas obtenu gain de cause devant la cour d'appel. En effet, la SA n'exerçait une activité concurrente que pour une très faible part de son chiffre d’affaires. Selon les juges d'appel, la débauche du salarié était insuffisante pour établir un acte de concurrence déloyale et le fait que le nouvel employeur avait eu connaissance de la clause de non-concurrence était sans incidence.

La responsabilité de l'employeur retenue pour la Cour de cassation

Un pourvoi en cassation a été formé et l'arrêt de la cour d'appel a été cassé.

Pour la Cour de cassation, la SA avait, sciemment, recruté un salarié en connaissance de l'obligation de non-concurrence souscrite par ce dernier au bénéfice de son ancien employeur et, de ce fait, sa responsabilité était engagée.

En outre, la Cour a ajouté deux points qu'il est important de souligner :

-le faible degré de concurrence existant entre les ancien et nouvel employeurs était sans importance ;

-il n'était pas nécessaire d'établir à l'encontre du nouvel employeur l'existence de manoeuvres déloyales.

À noter. En dehors de toute clause de non-concurrence, la société ayant débauché un salarié ne serait pas, pour autant, à l'abri d'une condamnation si des actes de concurrence déloyales pourraient lui être reprochés.

Pour aller plus loin :

« Négociations commerciales », RF 2021-1, §§ 272 et 285

Cass. com. 1er juin 2022, n° 21-11921