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Le fait que le salarié d'une société de transport public soit le seul à rester en grève n'autorise pas le licenciement

Le fait qu’il ne reste qu’un seul salarié refusant de travailler pendant le préavis de grève déposé par les syndicats d’une entreprise gérant un service public ne permet pas de considérer que la grève est terminée et qu’il est en abandon de poste. Il ne peut donc pas être licencié pour faute grave car seule une faute lourde permet de licencier un salarié gréviste.

Un salarié qui poursuit seul la grève peut-il prétendre au statut de gréviste ?

Dans cette affaire, qui concernait une société de transport public, un syndicat avait déposé un préavis de grève courant du 22 avril 2015 au 31 décembre 2015.

Des salariés s’étaient alors déclarés grévistes mais à compter du 8 juin 2015, il n’en restait qu’un seul.

Le 17 juin 2015, l'employeur lui a enjoint de reprendre son poste estimant que, seul de l’entreprise à être encore en grève, il ne pouvait pas prétendre poursuivre ce mouvement.

Face au refus du salarié de reprendre le travail, l’employeur l’a licencié le 16 juillet 2015 pour faute grave au vu de son abandon de poste.

Le salarié a demandé la nullité du licenciement pour exercice normal du droit de grève, ainsi que sa réintégration et son indemnisation.

Il a été débouté par la cour d’appel qui a considéré que le salarié ne pouvait pas poursuivre tout seul ce mouvement de grève et que par conséquent, il ne pouvait donc pas bénéficier du statut de gréviste. La cour d’appel a reconnu l’abandon de poste, ce qui justifiait le licenciement pour faute grave.

Mais la Cour de cassation ne l’entend pas de cette oreille.

Le salarié était bien gréviste et ne pouvait donc pas être licencié pour faute grave

Le préavis de grève couvrait bien la période où le salarié était absent. - La Cour de cassation rappelle que dans les services publics (et non dans le secteur privé où aucun préavis n’est nécessaire), la grève doit être précédée d'un préavis donné par un syndicat représentatif (cass. soc. 4 juillet 2012, n° 11-18404 ; cass. soc. 11 février 2015, n° 13-14607 ; cass. soc. 8 décembre 2016, n° 15-16078).

Ce préavis, pour être régulier, doit mentionner l'heure du début et de la fin de l'arrêt de travail, néanmoins les salariés, qui sont seuls titulaires du droit de grève, ne sont pas tenus de cesser le travail pendant toute la durée indiquée par le préavis.

Il en résulte que l'employeur ne peut pas, dans la période ainsi définie, déduire de la constatation de l'absence de salariés grévistes que la grève est terminée. Cette décision ne peut être prise que par le ou les syndicats représentatifs ayant déposé le préavis de grève.

Par conséquent, la Cour de cassation estime que la cessation de travail d'un salarié dans le cadre d'un préavis de grève déposé par un syndicat représentatif constitue une grève, peu important le fait qu'un seul salarié se soit déclaré gréviste.

Ainsi, le salarié, même s’il était le seul dans l’entreprise à ne plus travailler, devait donc bien être considéré comme gréviste et être protégé en tant que tel.

À noter : dans le secteur privé, le droit de grève peut aussi concerner un seul salarié si celui-ci obéit à un mot d’ordre de grève formulé au plan national (cass. soc. 29 mars 1995, n° 93-41863) ou s’il est l’unique salarié de l’entreprise (cass. soc. 13 novembre 1996, n° 93-42247).

Seule la faute lourde peut être invoquée à l'appui du licenciement d’un salarié gréviste. - Rappelons que dans le secteur public comme le secteur privé, l'exercice du droit de grève ne peut pas justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié. Tout licenciement prononcé en l’absence de faute lourde est nul de plein droit (c. trav. art. L. 2511-1).

À noter : la faute lourde suppose une participation personnelle du salarié à des faits illicites tels que l’entrave à la liberté du travail des non-grévistes, la rétention de personnes, des menaces ou actes de violence ou de dégradation des biens appartenant à l’entreprise.

Le licenciement pour faute grave ne pouvait donc pas être admis.

L’arrêt est donc cassé et renvoyée devant la cour d’appel.

Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-18402 FSB