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Droit de grève

Arrêter de travailler pour contester le seul licenciement d'un collègue n'ouvre pas droit à la protection des salariés grévistes

Les salariés qui cessent le travail en seul soutien au licenciement d’un de leurs collègues ne bénéficient pas de la protection contre le licenciement en vertu du droit de grève dès lors que leur action ne contient pas aussi des revendications professionnelles.

Salariés licenciés après avoir cessé le travail en contestation du licenciement d’un collègue

Plusieurs salariés travaillant pour une entreprise de prestation de services ont adressé un courrier à leur employeur pour l’informer qu’ils cessaient le travail en contestation du licenciement d’un collègue dont ils sollicitaient la réintégration.

La cessation collective concertée du travail s'est déroulée du 27 au 31 octobre 2014 inclus.

Après avoir été mis en demeure de reprendre le travail, 3 salariés ont été convoqués le 31 octobre 2014 à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour faute grave avec mise à pied à titre conservatoire.

Le 20 novembre 2014, ces salariés ont été licenciés pour faute grave par une lettre visant notamment leur absence injustifiée pendant tout ou partie de la période en cause.

Les salariés ont saisi les juges d’une demande d’annulation de leur licenciement et de réintégration en soutenant que leur arrêt de travail collectif constituait un mouvement de grève justifié par des revendications professionnelles.

Les juges ne sont pas allés dans le sens des salariés dont le licenciement a été jugé fondé.

Principe de protection contre le licenciement des salariés grévistes

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ni faire l’objet d’une mesure discriminatoire en raison de l’exercice normal du droit de grève (c. trav. art. L. 1132-2).

En cas de litige, le licenciement d’un salarié gréviste est annulé.

Dans cette affaire, toute la question était de savoir si les salariés ayant cessé de travailler en soutien d’un collègue pouvaient être considérés comme grévistes. En cas de réponse positive, leur licenciement fondé sur leur absence jugée « injustifiée » par l’employeur était alors nul.

Les juges ont considéré que cet arrêt de travail à titre solidaire ne remplissait pas les critères de la grève.

Seul un arrêt de travail de solidarité contenant aussi des revendications professionnelles vaut grève

Un arrêt de travail ne constitue une grève que si les conditions suivantes sont remplies :

-la cessation du travail ;

-la concertation des salariés ;

-des revendications professionnelles dont l’employeur a connaissance au moment de l’arrêt de travail.

Dans sa décision du 6 avril 2022, la Cour de cassation se penche sur la question de la réalité des revendications professionnelles lorsque l’arrêt de travail est motivé par le licenciement d’un autre salarié.

Il ressort, en effet, de précédents arrêts que la « grève » dite de solidarité n’est pas licite lorsque son seul motif est le soutien à d’autres salariés licenciés ou sanctionnés (cass. soc. 16 novembre 1993, n° 91-41024, BC V n° 268). Elle est, en revanche, licite si l’action en soutien des salariés licenciés est aussi en lien avec des revendications professionnelles qui intéressent l’ensemble du personnel (ex. : menace de licenciement d’autres salariés) (cass. soc. 2 juillet 2014, n° 13-12562, BC V n° 158).

Dans l’affaire qui nous intéresse, les juges ont considéré que la cessation du travail n'était pas fondée sur une revendication professionnelle et que, dès lors il ne constituait pas l'exercice du droit de grève. De fait, aux yeux des juges, le courrier adressé à l’employeur se contentait de contester point par point les fautes imputées au salarié licencié et la décision de l'employeur de le licencier, sachant que ce licenciement avait été prononcé pour des faits strictement personnels.

Le courrier adressé à l’employeur ayant pour seul objet la contestation de la décision de licenciement d'un salarié, l’arrêt de travail n’était pas constitutif d’une grève susceptible de protéger les salariés de tout licenciement.

L’employeur était donc fondé à les licencier pour absence injustifiée.

Cass. soc. 6 avril 2022, n° 20-21586 D