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Prescription : l'état de santé mentale de la salariée peut constituer un cas de force majeure l'ayant empêché d’agir en justice

La prescription de l’action en justice en contestation de la rupture du contrat de travail est suspendue en cas de force majeure. C’est le cas lorsque la salariée présente d'importants troubles anxio-dépressifs, s'accompagnant de crises de panique incessantes, l'empêchant de mener à bien toute démarche tant personnelle que sociale et administrative.

Un licenciement contesté après le délai de prescription

Dans cette affaire, la salariée avait été embauchée en avril 2014. Hospitalisée en juillet 2015, elle avait été autorisée à reprendre son travail quelques semaines avant son licenciement, notifié le 2 novembre 2015.

Elle avait après son licenciement entrepris des démarches pour faire reconnaître l'existence d'un accident du travail, en vain, et pour contester, par lettre du 10 février 2016, la date d'effet de son licenciement et demander sa réintégration.

Malgré l’échec de cette démarche auprès de son ex-employeur, elle n’avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester son licenciement que le 2 février 2018, soit 2 ans et 3 mois après son licenciement, donc bien au-delà du délai de prescription de l’action visant à contester la rupture du contrat de travail (2 ans lors des faits, passé à 12 mois depuis le 24 septembre 2017) (c. trav. art. L. 1471-1).

Pour l’employeur, l’action était donc prescrite et la salariée aurait donc dû être déboutée. Toutefois il n’obtient pas gain de cause devant la cour d’appel dont la décision est confirmée par la Cour de cassation.

La prescription est neutralisée par un cas de force majeure : l’état de santé de la salariée

Selon le code civil, la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure (c. civ. art. 2234).

Dans cette affaire, les certificats médicaux du médecin psychiatre de la salariée indiquaient que, à la suite de son hospitalisation en juillet 2015 pour état dépressif au titre d’un épuisement professionnel et durant les 3 années suivantes, la salariée présentait d'importants troubles anxio-dépressifs, s'accompagnant de crises de panique incessantes, l'empêchant de mener à bien toute démarche tant personnelle que sociale et administrative, notamment lors de la gestion de son dossier prud'homal.

L’argument de l’employeur, qui signalait que la salariée avait bien entamé des démarches en février 2016, ce qui démontrait sa capacité à se défendre et à mener des actions, n’est pas retenu dans la mesure où le médecin attestait que l’état de la salariée s'était aggravé à compter de février 2016.

Ces éléments caractérisaient donc un cas de force majeure, les juges pouvaient en déduire que la salariée s'était trouvée dans l'impossibilité d'agir et que la prescription avait été suspendue, ce qui rendait recevable son action devant les prud’hommes introduite le 2 février 2018.

L’affaire sera néanmoins rejugée devant une autre cour d’appel, non pas sur la prescription mais sur les conséquences indemnitaires du licenciement prononcé par l’employeur.

Cass. soc. 25 janvier 2023, n° 21-17791 FD