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Harcèlement moral

Au pénal, le délit de harcèlement moral implique la conscience de l'auteur de dégrader les conditions de travail du salarié

La chambre criminelle de la Cour de cassation rappelle dans un arrêt du 22 février 2022 que le délit de harcèlement moral ne peut être retenu que si l’auteur avait conscience que ses agissements entraînaient une dégradation des conditions de travail du salarié.

Harcèlement moral au travail : dans le code du travail et dans le code pénal

Des définitions proches. - Le code du travail interdit le harcèlement moral et le définit comme des agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail du salarié susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (c. trav. art. L. 1152-1).

Le code pénal fait du harcèlement moral un délit et le définit comme des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits et à la dignité, d'altérer la santé physique ou mentale ou de compromettre l’avenir professionnel du salarié.

Les définitions sont proches mais selon le juge saisi, le conseil de prud’hommes ou le tribunal correctionnel, l’issue de l’affaire pourra être différente.

La différence entre le juge civil et le juge pénal. - Au civil, il importe peu que l’auteur du harcèlement n’ait pas délibérément cherché à nuire au salarié. Ses actes peuvent être qualifiés de harcèlement moral dès lors qu’ils ont entraîné une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à la dignité ou à la santé du salarié, ou de compromettre son avenir professionnel (cass. soc. 10 novembre 2009, n° 08-41497, BC V n° 248 ; cass. soc. 15 novembre 2011, n° 10-30463, BC V n° 261).

Au pénal, le juge n’exige pas non plus l’intention de nuire, mais il vérifie si l’auteur présumé avait conscience que ses agissements entraînaient une dégradation des conditions de travail du salarié (cass. crim. 13 novembre 2019, n° 18-85367 D ; cass. crim. 19 juin 2018, n° 17-86737 D ; cass. crim. 11 juillet 2017, n° 16-83003 D). En effet, il n’y a pas de délit sans intention de le commettre (c. pén. art. 121-3).

Dans l’affaire qui nous intéresse, les ayants droit de la salariée avaient choisi la voie pénale.

Suicide d’un médecin du travail : les ayants droit saisissent le juge pénal

La salariée, médecin du travail, s’était suicidée en laissant derrière elle des éléments accusant son employeur de harcèlement moral et en lui imputant son geste.

Des membres de sa famille et des syndicats ont porté l’affaire au pénal, mais le harcèlement moral n’a été retenu ni par le tribunal correctionnel ni par la cour d’appel, la conscience de l’employeur d’aboutir à une dégradation des conditions de travail de la salariée n’ayant pas été établie. Saisie, la chambre criminelle de la Cour de cassation a confirmé la décision des juges d’appel.

Certes, les conditions de travail de la salariée avaient été dégradées du fait de l’augmentation du nombre d’entreprises dont elle avait la charge. En d’autres termes, l’élément matériel du délit de harcèlement moral pouvait ainsi être caractérisé.

Mais il manquait l’élément moral du délit, à savoir la conscience de dégrader les conditions de travail de la salariée. En effet, elle n’avait pas fait l’objet d’un avis d’inaptitude même après avoir évoqué un burn-out. Au contraire, elle s’était vue délivrer un avis d’aptitude et aucun symptôme de dépression ou de dangerosité pour elle-même ne ressortait de son dossier médical. En outre, elle avait refusé que l’employeur la décharge de certains suivis. Enfin, ses confrères avaient témoigné en faveur de l’employeur notamment en faisant état de l’absence de surcharge de travail liée au suivi de nouvelles entreprises ou de pressions de l’employeur.

Il n’était donc pas établi que l’employeur avait conscience d'aboutir à la dégradation des conditions de travail de la salariée en lui attribuant de nouvelles tâches.

Cass. crim. 22 février 2022, n° 21-82266 FD