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Donations Successions

Cession de parts sociales à un prix minoré et requalification en donation déguisée

L’intérêt familial et patrimonial d’une opération présentée comme un acte de cession à titre onéreux alors qu’elle dissimule une donation ne fait pas obstacle à la mise en œuvre de la procédure de l’abus de droit fiscal dont relèvent les donations déguisées.

Plusieurs cessions de parts de sociétés consenties par un père et ses 2 enfants au profit d’un 3e enfant au prix de 1 € chacune, alors que la valorisation des titres de l’ensemble de ces sociétés s’élevait à 750 000 €, doivent-elles être requalifiées en donations déguisées relevant de la procédure de l’abus de droit fiscal si l’opération présente un intérêt familial et patrimonial ?

L’administration fiscale répond par l’affirmative, ce que l’acquéreur redressé a contesté, faisant valoir que :

-l’intention libérale qui permet de démontrer la gratuité de l’opération ne peut être déduite du seul déséquilibre constaté entre les engagements respectifs des parties ;

-la structure même de l’opération, à savoir la cession simultanée des parts sociales de la part de 3 personnes, était incompatible avec la notion d’intention libérale ;

-le règlement du prix de cession, fût-il dérisoire, par le cessionnaire, excluait toute dissimulation de la part des parties et partant, tant l’existence d’une donation déguisée que celle d’un abus de droit pour fictivité (en effet, sur le plan fiscal, la donation déguisée relève de la procédure de répression de l’abus de droit ; LPF art. L. 64) ;

-l’intérêt familial et patrimonial de l’opération, dans la mesure où les cessions de parts litigieuses permettaient de réunir toutes les parts sociales entre les mains d’un unique membre de la famille, le dirigeant du groupe, afin de mettre un terme à la mésentente existant entre les associés et d’assurer la continuité de l’entreprise familiale, s’apposait à la qualification d’abus de droit.

La requête du contribuable est rejetée. Pour la Cour d’appel comme pour la Cour de cassation, si ces cessions sont intervenues dans le but de restructurer le groupe de sociétés dans le contexte d’une mésentente familiale, ces éléments ne sont pas de nature à exclure l’intention libérale et traduisent au contraire la volonté manifeste de favoriser le cessionnaire.

Par ailleurs, la discordance manifeste entre le prix de vente des parts sociales et leur valeur vénale a pu caractériser l’appauvrissement matériel des cédants. De sorte que les 2 éléments caractérisant une donation, à savoir l’intention libérale et un profit pour le gratifié sans contrepartie, se trouvaient réunis.

Enfin, en présentant ces opérations comme des actes de cessions à titre onéreux alors qu’il s’agissait de donations, le cessionnaire a dissimulé leur véritable nature. Compte-tenu de leur caractère fictif, il appartenait à l’administration de mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal, peu important que ces opérations aient présenté un intérêt familial et patrimonial.

Pour aller plus loin :

« Donations - Successions », RF 2020-6, § 617

Cass. com. 7 juillet 2021, n°19-16446

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